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Clinique de la folie à deux

Autor: Martín Alomo

Ceux qui ont parlé d’abord de la folie à deux sont les psychiatres français Ch. Lasègue et J. Falret dans leur célèbre article de 1877. Ils y ont réussi à élucider les caractéristiques du phénomène avec une clarté clinique et une plume excellente. Il s’agit d’une société entre deux personnes qui partagent le délire de manière asymétrique. La relation établie entre ces deux personnes et le délire est bien différente. Selon les auteurs français, alors que pour  l’un, le terme aliéné mène son existence, principalement, dans le contexte du délire indifférant au monde environnant, pour l’autre, le partenaire du délirant principal  adopte le délire en lui imprimant quelques nuances. En tenant compte du lien social, ils nuancent la construction délirante d’apparences ou   de marques compatibles avec un discours établi, le rendant plus crédible aux yeux des autres.

En ce qui concerne le délirant primaire, il possède les caractéristiques d’un malade mental qui soigne son symptôme psychotique au moyen d’un délire, élaboré autour d’une certitude autoréférentielle irréductible. Le partenaire, par contre, ne possède pas cette conviction à propos du délire. Ce fait peut être vérifié en les séparant.

En effet, Clérambault constate la même différence entre les membres du duo délirant. C’est lui qui ajoute l’exactitude dans la manière de détecter le symptôme primaire dans le délirant principal. L’automatisme mental est le phénomène élémentaire caché par le délire, qui est toujours favorable d’être isolable, si l’interrogation au malade est bien menée. Clérambault constate la découverte de Lasegue et Falret chez le partenaire du délirant principal : il s’agit d’un individu faible, influençable, qui adopte le délire et s’intéresse à lui en l’ajustant plus ou moins mal, selon le cas, pour le rendre crédible aux yeux des autres. Pour éclaircir le sujet, Jacques Lacan, maître de la psychologie, explique que « la question de délires collectifs est associée aux mécanismes générateurs de la psychose », c’est-à-dire, aux phénomènes de l’automatisme mental. Cependant, il faut remarquer que ce sont les délires ceux qui sont transmis (les convictions et les sentiments) et non  les psychoses (les mécanismes génétiques de ces délires). Il suffit de séparer l’utilisation organiciste originale de Clérambault du mot « génétique »,  pour parvenir  à la conclusion du fait que les phénomènes élémentaux ne sont pas contagieux, alors que  la  trame du délire l’est.

Ces médecins cliniques qui ont révélé leurs expériences avec des duos délirants, sont en accord sur un point : le délirant secondaire adopte le délire et le transforme en  polissant les bords et en remplissant les lacunes logiques pour établir la communication.  Cette raison englobe un intérêt personnel de croire et faire croire que l’on est bénéficiaire d’un héritier millionnaire qui va fournir des réponses à toutes les pénuries; que l’on a été victime des préjugés des autres dont les conséquences sont les frustrations présentes, etc.

Dans le cas des sœurs Papin, Jacques Lacan incorpore d’autres nuances. À la  suite  des délires des sujets familiaux entraînés par le complexe fraternel (sujet largement développé dans la thèse de 1932 en rapport avec Aimée et sa sœur ainée, qui trouvera la fin dans « la famille » en 1938) jette les bases de ce qu’il développera en Bonneval en tant que «agression suicidaire du narcissisme» en 1946  (Aimée et l’actrice, Alcestes et Orontes). Il s’agit d’une agression à cause de laquelle le passage à l’acte homicide est en réalité un acte suicidaire, où  le paranoïaque «  frappe le kakon de son être ». Conformément à cette idée, Christine Papin, en arrachant les yeux à l’une de ses victimes (l’autre a souffert le même destin aux mains de Léa), n’arrache que ses propres yeux, pour ne pas pouvoir s’arracher elle-même du regard qui la rend un objet misérable. S’agit-il du statut des victimes ?  Un succédané de l’objet fraternel : il semble que les sœurs n’ont pas pu établir une distance nécessaire, visant à ne pas se blesser l’une à l’autre.

Lacan ajoute, en relisant le cas, l’analyse des raisons de la vexation des parties génitales des victimes : « La curiosité sacrilège constitutive de l’angoisse de l’homme à travers le temps, constitue ce qui les encourage quand  ils désirent leurs victimes et quand ils guettent dans leurs blessures ouvertes ». Postérieurement, ceci sera  appelé par Christine devant le juge et de manière innocente : «  le mystère de la vie ».

C’est de cette manière qu’en subissant « le mal d’être deux », deux qui font un comme l’holophrase et en possédant les ressources limitées de leur circuit fermé, ils ont avancé dans leurs curieuses recherches.

Mon idée est née non seulement à partir de la lecture des classiques déjà nommés mais aussi  de mon expérience recueillie pendant plus de dix ans dans un hôpital mental, expérience que je voudrais mettre à considération de mes collègues : je suis enclin à penser que la distribution des positions en référence des réalités (ce sont deux : celle du délire, et celle des autres) nous montre quelques nuances dont l’observation pourrait nous apporter des considérations intéressantes au moment de parler de la clinique de la folie à deux. Particulièrement, je me suis intéressé ici à analyser cette distribution de deux axes : d’un côté, en faisant appel aux notions freudiennes de bénéfice primaire et secondaire de la maladie. De l’autre côté, en rapport avec la double forclusion exposée par Lacan dans « D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose », particulièrement, en gardant relation avec l’implication des liaisons entre le psychotique et la réalité.

En ce qui concerne les notions freudiennes de bénéfice de la maladie primaire ou secondaire, elles sont des configurations dont les limites ne sont pas toujours claires. Il faudrait commencer par la première grande différence, pouvant être considérée en tant qu’objection à la « proposition » précédente. Cette difficulté dans la démarcation des limites sera développée de manière succincte, non pas pour présenter une thèse à propos de ces notions mais simplement pour pouvoir avancer sur l’idée centrale.

La première grande différence qui saute aux yeux de n’importe quel lecteur de Freud, est que les notions de bénéfice primaire et secondaire gardent originalement relation avec la névrose. Par conséquent, l’expression utilisée fréquemment par Freud: « la fuite envers la maladie », plutôt relative au bénéfice primaire du symptôme, et la notion de « bénéfice secondaire de la maladie », définie en tant qu’un profit postérieur, correspondent toujours à la névrose. Le bénéfice primaire est, par exemple, le symptôme de « l’Homme des rats », refugié dans la maladie au lieu de choisir l’une ou l’autre femme. Quant au secondaire, c’est celui qui est illustré au moyen de « l’homme accidenté et postérieurement handicapé », celui qui tire profit de sa malchance pour demander l’aumône  et ainsi pouvoir subsister. Dans ce dernier cas, il s’agit d’une analogie freudienne, qui explique à l’aide d’une comparaison ou d’une métaphore, son idée de bénéfice secondaire. Or, la question se complique et afin d’assurer le bon suivi de la construction de ces notions, il faudrait arriver jusqu’à l’addenda de « Inhibition, symptôme et angoisse » pour y prouver le fait de considérer le symptôme comme une altération incorporée au moi, dont les limites s’atténuent.

Néanmoins, le présent travail n’est pas consacré à ce sujet. Il serait pourtant intéressant de remarquer que Freud utilise les notions en faisant référence aux névroses. En échange, il est possible de les utiliser analogiquement en établissant un rapport avec la psychose. En outre, quant à la difficulté inhérente au processus classificatoire entre un type de profit et un autre, il sera rentable de s’appuyer sur l’énoncé suivant : « le bénéfice primaire correspond au symptôme, en faisant allusion au symptôme psychotique ». Celui-ci est reflété dans la distanciation de la réalité propre de ce phénomène et dans l’exclusion du lien social,  manifesté parmi d’autres, par le refus de l’ordre discursif. Selon l’éthique de la psychanalyse, cette jouissance de l’un qui exclut l’Autre ne peut qu’être responsabilité du sujet. Cela est manifesté de cette manière, même si celui-ci méconnait le désir étrange ou si la coercition énigmatique le détermine. Il est peut-être plus difficile de penser, dans les psychoses, à la distinction entre le bénéfice primaire et le secondaire, parce que même le délire, s’agissant d’un psychotique délirant « le délire à duo », il est conçu de la même espèce que l’un, de manière autogène, sans avoir l’accès à l’Autre (même encore à ce qui vient de l’Autre, mais dégradé  à cause du travail unien du délire pour continuer à être la même chose).

D’un autre côté, si l’addenda de « Inhibition, symptôme et angoisse » est tenue en compte, en même temps que la « lutte défensive secondaire » en tant que réponse du Moi à la résistance au  « ça » et au noyau pulsionnel qui se voit satisfait à travers le symptôme, il faudrait s’occuper donc d’élucider le problème de la pulsion dans la psychose. Même si ce programme porte son intérêt aux buts de la construction de cette communication (il y a-t-il de la pulsion dans les psychoses ?), il est préférable de garder seulement la distinction suivante : le bénéfice primaire est étroitement lié à la satisfaction dans le symptôme, le bénéfice secondaire, en tant qu’un élément  ajouté, est lié à une certaine insertion sociale du symptôme.

En ce qui concerne l’autre axe de l’analyse, il est pertinent de s’appuyer sur les développements lacaniens à propos des psychoses en 1958. Le texte clé est naturellement « D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose». Au long des  paragraphes III et IV, Lacan développe la construction progressive du schéma I à partir de R (appuyé sur des notions de Lambda) qui vont faciliter l’explication :

Justement, par rapport aux schémas, l’espace d’en haut à gauche est occupé par S dans le Lambda, c’est-à-dire « le pathétique sujet de la réalité »  qui ne sait pas qu’il l’est, et qui, dans son ignorance, s’offre à l’autre dans sa condition de moins phi (schéma R) en voulant le compléter. Lui, il s’offre à l’autre en condition de phallus « aimez-moi, je peux te compléter ». Cette attitude, à la suite de la forclusion de la signification phallique, n’est pas dans les psychoses. Dans l’analyse de Lacan du cas Schreber, il est possible de trouver que celui-ci remplace cette condition phallique envers laquelle il ne peut pas s’orienter, avec la présence d’une « jouissance transsexuelle ». Cet espace, ainsi que le schéma R, le moins phi est une condition dérivée par réfraction du Nom du Père dans l’espace d’en bas à droite, dans le sommet principal du triangle symbolique, dans le schéma I, faute du Père, « à cause du retouche en cascade des signifiants, le sommet a été occupé par un signifiant idéal ». Dans le cas de Schreber « être la femme de Dieu », point d’arrivée de son élaboration délirante. L’offre du sujet  dans la réalité ne se comprend pas comme moins phi mais comme une femme qui s’offre à l’autre sans savoir, orientée par la jouissance transsexuelle avançant dans le corps.

Nous allons, par la suite, caractériser la condition du « terme aliéné » du duo par rapport à la folie à deux. Autrement dit,  la position du délirant principal est soulignée pour être fixée à un signifiant idéal accomplissant la fonction de S1, en se caractérisant, dans le cas de duos délirants, par agglutiner deux membres sous son égide, de même qu’une holophrase.

La position du partenaire, correspondant au délirant secondaire, celui qui est chargé d’adapter le délire aux conditions d’un discours déjà établi, loin d’être mauvaise, est une autre. Celui-ci semble être généralement orienté par la signification phallique dans le plan de la réalité. Conformément à Lasègue, Falret, Clérambault et Lacan, le partenaire poussé par son intérêt adopte le délire et le répand, en dépit de l’inexistence de la conviction provenant de la certitude autoréférentielle, celle qui encourage le délirant principal. Ainsi, les autres y croient, au moins pendant une période de temps, et dans quelques contextes.

L’observation clinique indique que le délirant secondaire est aussi un psychotique. D’après  cette donnée, l’orientation dans la réalité positionnée apparemment comme moins phi, ce qui pourrait faire supposer une fonction paternelle stabilisatrice de la structure, contredit dans le niveau conceptuel l’observation clinique. Cette même donnée, lors de l’étude de plusieurs cas, aide à parvenir à la conclusion suivante : l’intérêt du partenaire à maintenir le délire acquis, obéit à l’obtention de n’importe quelle suppléance pour la fonction paternelle, forcluée dans sa psychose et obtenue d’un aspect d’un lien délirant. Il pourrait bien s’agir d’une suppléance symbolique liée étroitement à la trame du délire, ou d’une suppléance imaginaire située dans le corps-à-corps de la relation (axe oblique  a-a’ du schéma i). De cette manière, le duo délirant, s’agissant de deux psychotiques, comme dans la plupart des cas observés, distribue ses positions, par rapport à la double forclusion proposée par Lacan dans  « D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose». C’est alors que le délirant principal se fait remarquer par la fixité du signifiant idéal, qui commande le travail du délire comme un S1, en transformant un délire en un phénomène élémentaire, dénonçant la forclusion du père. Le délirant secondaire apparaît en tant qu’orienté dans la réalité par une imitation de signification phallique, source de la sympathie de sa position avec les discours établis, car il peut se construire avec sa participation dans le duo. Il s’agit d’une espèce de suppléance de la fonction paternelle dont il ne dispose pas. Ceci stabilise sa structure psychotique et lui permet, donc, d’habiter le plan de la réalité avec une majeure solvabilité en ce qui concerne les requêtes du lien social.

En outre, dans l’axe oblique entre a et a’, la confusion typique s’écoule à l’intérieur du duo. Cette confusion provoque que l’image du corps de l’un soit le siège du corps de l’autre et vice-versa, ne s’agissant plus de deux personnes, mais d’une seule.

En guise de conclusion, l’idée née de l’observation clinique est la suivante : dans la folie à deux, la position du délirant principal est caractérisée par le bénéfice primaire, la pure satisfaction dans le symptôme, et par la fixité du signifiant idéal que le délire commande, condition qui dénonce la forclusion du Père. En ce qui concerne le partenaire délirant, celui-ci se caractérise par l’obtention du bénéfice secondaire du soutien du délire, et par une performance plus solvable dans le plan de la réalité, grâce à la suppléance acquise de sa participation dans le duo par la fonction paternelle absente.

 

Bibliographie

-de Clérambault, G. (1942). Automatismo mental. Paranoia, Polemos, Bs. As., 1995.

-Freud, S. (1926). “Inhibición, síntoma y angustia”, OC, tomo XX, Amorrortu, Bs. As., 1985, pp. 71-164.

-Lacan, J. (1932). De la psicosis paranoica en sus relaciones con la personalidad, Siglo XXI, México, 2005.

-Lacan, J. (1938). La familia, Axis, Argentina, 1975.

-Lacan, J. (1946). “Acerca de la causalidad psíquica”. En Escritos 1, Bs. As., Siglo XXI, 1988, pp. 142-183.

-Lacan, J. (1958). “De una cuestión preliminar a todo tratamiento posible de las psicosis”. En Escritos 2, Siglo Veintiuno, Bs. As., 1988, pp. 513-64.

-Laségue, Ch. y Falret, J. (1877): “La folie á deux”. En J. C. Stagnaro (comp.): Alucinar y delirar, Tomo I, Polemos, Bs. As., 1998, pp. 43-78.

 

 

(Está permitido utilizar el texto citando fuente y autor).

MARTIN ALOMO

Dr. en Psicología de la UBA

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